Affaire Norbert Zongo : Les raisons d’un non-lieu
vendredi 21 juillet 2006.
Norbert Zongo
Norbert Zongo
Non-lieu pour Marcel Kafando, l’unique inculpé dans l’affaire Norbert Zongo. C’est ce qui ressort de l’ordonnance en date du 18 juillet 2006. Cette décision du juge d’instruction a été au centre du point de presse donné dans les bureaux du procureur général Abdoulaye Barry le lendemain 19 juillet.
« Le doute profite toujours à l’accusé ». C’est en vertu de ce principe de droit pénal que le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, qui instruit l’affaire Norbert Zongo, a rédigé une ordonnance de non-lieu au profit de l’adjudant-chef Marcel Kafando, seul inculpé dans cette affaire.
Ce doute, a expliqué le procureur du Faso Adama Sagnon, ressort de la volte-face du principal témoin à charge, Yaméogo Jean Racine. Ce dernier est en effet revenu sur ses précédentes déclarations au cours de sa deuxième confrontation avec l’accusé le 31 mai 2006.
Et selon le compte rendu livré in extenso par le procureur Sagnon, au cours de cette audition, M. Yaméogo a déclaré qu’ « à ce stade des événements, il préférait ne pas se fixer sur une date, à savoir le 13 (date de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses 3 compagnons NDLR) ou le 14 décembre 98.
Que ce dont il est certain, c’est effectivement qu’il avait rencontré Marcel Kafando à cette période. Que du Conseil de l’entente ils s’étaient successivement rendus au restaurant La Québécoise et au restaurant La Source avant que Marcel ne le déposât à l’hôtel Splendide, où ils s’étaient séparés.
Qu’à présent, avec le recul, existait un doute dans son esprit, entre la date du 13 et celle du 14 décembre 98. Que face à ce doute, il préférait ne pas persister dans ses déclarations antérieures et accuser à tort un compagnon d’armes ».
Le doute s’installe
Rappelons que c’est sur le témoignage de Yaméogo Jean Racine, ex-militaire de la Base aérienne, que l’adjudant-chef Marcel Kafando avait été inculpé, le 2 février 2001, d’assassinat et de destruction de biens mobiliers.
A l’époque en effet, à la lumière des affirmations de Yaméogo Jean Racine, l’instruction avait relevé certaines contradictions dans l’agenda de l’adjudant-chef, pour la journée du 13 décembre 1998.
Selon les dires de Marcel Kafando, ce jour-là, il était resté au service jusqu’à 11h. Il serait ensuite rentré chez lui pour se rendre en début d’après- midi à La Source, où il aurait retrouvé son ami Jean Racine. De là, après un arrêt au Conseil, Marcel Kafando a rejoint le maréchal des logis-chef Ky Ernest aux alentours de 16h à La Québécoise, toujours selon les dires de l’adjudant-chef, confirmés par le gendarme.
Ils se seraient quittés aux alentours de 19h. Interrogé à propos de l’emploi du temps de cette journée, Yaméogo Jean Racine avait, quant à lui, contredit la version de Marcel Kafando. Et selon ses déclarations, sa rencontre avec Marcel Kafando aurait eu lieu le 14 décembre et non le 13 , jour du drame de Sapouy, comme l’affirmait le suspect. Et d’ajouter que ce dimanche-là, il aurait tenté de joindre l’adjudant-chef, en vain.
Cette version des faits, en contradiction avec celle de l’inculpé, a été maintenue jusqu’à la première confrontation entre les deux hommes, le 15 mai 2001. Ce jour-là, les positions sont restées inchangées, Marcel Kafando étant resté constant dans ses déclarations depuis sa première comparution.
Mais vu l’état grabataire de ce dernier, la séance a été interrompue et reportée à une date ultérieure et n’a pu être reprise que 5 ans plus tard, en l’occurrence le 31 mai 2006. C’est donc au cours de cette audition, que le témoin est revenu sur ses déclarations, introduisant le doute dans l’instruction de l’affaire Norbert Zongo.
Appel à témoins
C’est donc en raison de ce doute que le juge d’instruction a prononcé le non-lieu, qui, a précisé le procureur Abdoulaye Barry, ne s’applique qu’à la personne de Marcel Kafando. « En principe, a poursuivi M. Barry, lorsque le juge prend une ordonnance de non-lieu, cette ordonnance le dessaisit ».
Le dossier est alors déposé au greffe, dans l’attente de charges nouvelles qui pourraient alors relancer l’affaire avant l’expiration du délai de prescription, qui est de 10 ans pour les crimes. « C’est un dessaisissement provisoire » en attendant que des informations nouvelles, y compris à travers des témoignages anonymes, a précisé le procureur général, orientent la justice sur de nouvelles pistes.
Alors quid des suspects sérieux identifiés au début de l’affaire, par la commission d’enquête indépendante ? Selon le procureur Barry, sur les 105 personnes interrogées au cours de l’instruction, une cinquantaine étaient des militaires, au nombre desquels les cinq autres suspects sérieux.
Mais aucune charge n’a pu être retenue contre eux, bien qu’une perquisition ait été effectuée au dépôt d’armes du Conseil de l’entente. « Le juge s’est battu comme un beau diable » pour faire jaillir la vérité malgré le défaut de pistes sérieuses, a déclaré le procureur Barry, pour qui l’affaire Norbert Zongo est loin d’être close, car « personne ne veut s’asseoir sur ce dossier ».
H. Marie Ouédraogo
Observateur Paalga